Plus un mot...

Publié le par Chris Saint James



Plus un bruit... J'traîne des pieds... J'ai pas l'moral dans les chaussettes mais un mal de chien à m'en remettre... Mais c'est comm'ça ! J'suis écorché d'partout, plein de trous dans la peau, et mon coeur est tout mou, j'suis comm' bousillé, mais toujours là, tête dans l'guidon, le corps au chomage, toujours là à regarder la vie qui passe, avec mes casseroles, toujours là devant la même fenêtre qui regarde le même mur, qui bouge  plus que moi.

On m'avait dit que c'serait pas facile, que pus jamais j'srai c'que j'étais, mais qu'il faut toujours regarder devant, sans baisser les bras, en se forçant, parce qu'on ne vit qu'une fois. Mais moi, des fois, j'm'en fous de cette fois. Des fois j'me dis qu'c'était pas la bonne. J'ai tant d'envies d'encore, de courses, de danses que je ne sais pas, de randos qui n'attendaient que moi. Mais je savais pas. Il est déjà trop tard. Tout ça, c'est derrière, avant, que... Plus d'espoir, encore un peu de courage, et surtout pas me retourner, on me dit, mais les souvenirs sont là et les regrets avec. Je vis, oui, encore, mon coeur bat. Je vis, oui, comme la grenouille dans son bocal.

Et mes mots se sont barrés. J'ai beau prier mon ange, rien à faire. J'attends. Des sentiments. Des mots de mon âme, de la sienne ! Mais rien, que du vent dans ma tête, entre les poisons que l'on m'injecte pour que je reste debout, presque, encore un peu, tant que je peux. Etais-je fait pour ça ?... Plus de mots, j'en ai mal partout, plus de mots, l'heure serait-elle venue ? Et l'amour dans tout ça ? Et toutes mes prières ?... J'attends. J'attends. Rien. Ni signes, ni verbe... T'es où mon ange ? T'es barré où ? T'es où mon âme écrivaine ? Remisée ? Déçue ? Si blessée que tu t'es tue ?...A jamais ?...

J'suis si faible... On dirait Tennessee, avec ce désir fou de vivre une autre vie, de l'infini... J'croyais qu'tout s'passerait bien ici-bas, cette fois... Mais... le coeur en fièvre et le coeur démoli, plein de rêves et de cris, j'suis déjà au purgatoire, entre mes quatre murs que je ne quitte plus, jusqu'au jour où sans un éclat de voix ni sans un cri, et sans un seul amour... Car seul je suis... On ne vit pas avec un malade. Ainsi disparaîtra un poète fugace dont il ne restera aucune trace, que quelques mots lancés comme des bouteilles à la mer, de quoi recouvrir tout le pacifique, des mots qui flottent, et plein dessous, dans la vase ou sur les coraux, des mots partout.

Si j'm'en sors... Si j'm'en sortais ?... Mais c'est foutu. Incurable. Fini. Plus de jambes et l'énergie d'un petit pois. Même écrire m'épuise. Mais si j'men sortais ? Si je redevenais normal ? Et me voilà encore à rêver d'autres matins, de meilleurs lendemains qui n'arriveront pas, plus, jamais. Aucun retour en arrière. C'est fini. Malade je suis, malade je reste, et malade je mourrai, heureux que ça s'arrête. J'y croyais pourtant ! Et si... Et si... ? Et si j'y arrivais ? Mais non. Ils le disent, jamais plus tu ne seras normal, handicapé tu es, et seras, de plus en plus, toujours plus, jusqu'à ne plus savoir qui tu es... Légume, quel drôle de destin, j'ai tant de bleus au corps, et de si durs matins.

Voilà, j'ai presque fini. J'suis vidé. M'en faut si peu... J'vais m'retirer sur la pointe des pieds. Non, j'peux plus, m'arrive même de ramper pour monter sur mon lit. Pauvre petit homme qui n'a plus que ses mots pour survivre. Enfin presque... presque plus...



Publié dans Journal intime

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