Combien de temps ?

Publié le par Chris Saint James




Combien de temps ?...

Combien de jours me reste-t-il encore debout ? Combien de temps à marcher dans les rues d'une ville qui s'éloigne de moi chaque jour un peu plus, combien de temps à arpenter ses trottoirs, même comme un vieillard de quatre-vingts-dix ans, moi qui en ait à peine la moitié ? A vivre comme un homme libre et indépendant...

Ma maison est devenue comme une île, mais sans Vendredi pour me distraire de mes misères. Les parpaings sales de la bicoque d'en face sont désormais le seul paysage que je contemple à longueur de journées improductives, à travers des volets que je garde fermés comme si je veillais le mort-vivant que je deviens. Seul le téléphone me relie encore aux vivants, tant que je peux parler, tant que mon cerveau résiste à l'attaque de mes propres défenses devenues folles. Mais viendra le temps où je ne le décrocherai plus, car tout est effort, car tout se complique à mesure que passent les jours sombres et les nuits cauchemardesques, car je perdrai mes mots, ces mots que j'aime tant.

De médecins incompétents en hospitalisations par défaut, ma vie passe d'une vieille souffrance à une nouvelle que je n'aurais jamais imaginé, toujours plus terrible. Supporterai-je encore longtemps cette longue agonie sans appeler de tous mes voeux une délivrance que je devrai trouver par moi-même ? Je vais et je viens dans des pensées morbides qui me crient qui j'étais et qui je suis devenu, aujourd'hui, sclérosé, diminué, handicapé de la vie, assis sur le banc de touche à regarder un monde auquel je n'appartiens déjà plus. Je suis un exclus aux lendemains terrifiants.

Bien sûr, il y a pire ! Toujours. Il y a cet enfant qui meurt de faim dans un camp de réfugiés, cette femme criblée de balles perdues, cet homme qui pleure les siens égorgés, celui-là en chaise roulante depuis sa naissance, celle-là aveuglée petit à petit sans espoir de revoir jamais la lumière. Oui, il y a pire... Et pourtant...

Mais le spectacle doit continuer ! Envers et contre moi, je suis encore en vie, à coup de perfusions qui me détruisent bien avant que de me guérir.

Le vent souffle encore, le soleil se lève et se couche, les vivants s'aiment et la terre tourne. Le spectacle continue, oui, mais pour moi, combien de temps encore ?...

Que reste-t-il dans mon sablier ?




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