Si beau...

Publié le par chris StJames

Je suis allé faire des courses. Je suis allé à la torture, les mains bien ouvertes pour me rattraper de partout, la rage éphémère contre ceux qui me passent trop près, l'absence cruelle de chaises, mais où sont-elles ?, l'obligation d'aller vite à la caisse, et les rayons si longs, si longs, où tout est si loin que je ne vais jamais au bout de ma liste... J'ai acheté des haut-parleurs pour le portable. N'ayant pas de télé, que j'ai au moins un beau son quand je regarde un DVD.
... Avec le recul et les forces me revenant, je m'aperçois que je tente désespérément de me simplifier la vie pour compenser les jambes que je perds, de plus en plus lourdes, ma croix. La simplifier parce qu'elle risque de bougrement se compliquer si l'avanie promise se réalise.
Je pense déjà à chercher un site sur le net pour faire les commissions. Le stress de l'extérieur est tel. Les gens courent, hurlent, ça crie partout à Marseille, tandis que je contemple entre deux grimaces, toujours arrêté en plein milieu pour reprendre mon souffle, au risque de me faire percuter par un super bien-con de bien-portant pour qui la canne doit être juste un accessoire, aussi irremplaçable que sa casquette. Perdu au milieu de cette agitation désordonnée où tout le monde semble changer d'envie comme le corbeau de l'autre poète, je perds vite le peu de moyens qu'il me reste. Les murs deviennent aussi doux que la plume de l'oie et le premier marche-pied recueille mes fesses serrées de douleur. C'est à ce moment-là, les yeux dans le vague pour ne pas écouter mon corps déchiré, que je sais que je suis allé trop loin. Et qu'il va falloir revenir...
Mais je parle, je parle... Dans ces conditions là, il est clair que mon intérieur est devenu mon refuge. Tel l'ermite philosophe, j'y écris mes pensées. Je l'appelle mon atelier. Tout ici est fait pour écrire, pour l'écriture. Les livres se multiplient comme des petits pains, ma collection de stylos trône à côté du téléphone. Sur ma table basse, toujours un stylo ouvert et un ou deux carnets, un rapide pour qui écrit plus vite que son ombre, un pensif quand ce sont les grands qui parlent. Sur mes murs l'affiche peinte du film "Written on the Wind" qui me rappelle ma vanité, mes couvées de pensées au-dessus de la chaleur des plaques, et mon bureau rond, pas ovale, surtout pas, où règnent les dicos, de mots, de rimes, synonymes, symboles et procédés techniques, en deux langues. J'aime mon antre.
1 + 1 = un certain chiffre, en tout cas je viens clairement de me démontrer que l'amour de mon chez-moi allié à ma peur du dehors se conjuguent à merveille pour que je passe le plus de temps possible à écrire.
Mais quand même... Il est si beau le monde...







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B
Tu n'imagine pas a quel point j'aime ces détails que tu donnes - c'est ce qui rend très vivant et proche ton texte - Amitié
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C
Merci Sev. Merci Phil. Tout en douceur votre passage.
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P
Curieux, j'ai le même attachement à mon "chez moi" que je nomme la caverne ou l'Athanor, j'aime la solitude, trop peut être ...<br /> Amicalement<br /> Ph
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S
Voyage à travers toi.                             
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